Marie Aline MARCENAT
ÉCHAUFFOUR, PAROISSE NORMANDE
Ses villageois et ses seigneur
La Restauration et la Monarchie de Juillet
Dans l’Orne, les fourgons étrangers avaient été prussiens. L’arrivée à Alençon du vicomte de Riccé (le préfet qui remplaçait le baron Lamagdelaine) fut suivie dès le 1er août 1815, de celle des troupes prussiennes commandées par le général-lieutenant Von Ryssel. Leur séjour fut lourd pour le département. Alençon dut héberger l’état-major et 600 hommes, L’Aigle 840 hommes, Sées 450, Argentan 400, Le Merlerault 130, Gacé 130, etc. Échauffour pour sa part, dut accueillir 280 hommes, ce qui montre assez l’importance de la commune à cette époque.
[...]
Dès son arrivée à Argentan, Chambray avait désigné certaines communes pour servir d’entrepôts aux denrées réclamées par l’occupant. Échauffour fut du nombre. Chacune de ces communes pouvait s’arranger comme elle le voulait pour se procurer les produits en question soit auprès des villages qui dépendaient d’elle soit auprès de particuliers. Voici deux exemples.
« Mairie d’Échauffour, le quinze septembre 1815. Monsieur le maire de la commune de La Genevraye est requis de fournir au dépôt militaire établi à Échauffour pour l’approvisionnement des troupes de Sa Majesté Prussienne stationnées au dit lieu et ce le dix-sept du courant, les objets ci après désignés, savoir :
1°, une vache grasse de trois cent cinquante à quatre cents livres ; 2°, six livres de tabac à fumer de bonne qualité ; 3°, trente-cinq litres d’eau-de-vie de bonne qualité pesant vingt degrés ; le tout sous peine d’exécution militaire », (AD61, R 89/2).
La signature du maire et des adjoints portant attestation de la réception de ces fournitures, sauf de « la vache qui n’a pas été fournie », sont au bas de la feuille. Et pour le second exemple :
« Monsieur Thomas Hersant est requis de fournir et rendre aujourd’hui au magasin militaire du bourg d’Échauffour un poinçon de cidre de la boisson ordinaire c’est-à-dire cent vingt pots, pour le service prés [le] corps de garde des Prussiens stationné en cette commune sous peine d’exécution militaire. À la mairie d’Échauffour, ce 16 septembre 1815. Évette, maire ».
Dans le bas à gauche sont écrits ces mots :
« Le 17 septembre 1815. Reçu la présente réquisition. Delaporte, commissaire », (AD61, R 89/2).
Les aliments les plus difficiles à obtenir étaient la bière et le vin, boissons de luxe dans le pays mais la plus réclamée par les occupants restait l’eau-de-vie. Il est vrai que les « occupés » faisaient souvent preuve de mauvaise volonté. Les autorités prussiennes le prirent un jour de très haut à propos d’une eau-de-vie détestable qui aurait été fournie à leurs troupes par la commune d’Échauffour (probablement était-ce exact). Le major prussien menaça d’en envoyer un échantillon au prince de Blücher et le colonel commandant le 29e régiment d’infanterie de ligne de S.M. le roi de Prusse, écrivit la lettre suivante au comte de Chambray :
« M. le sous-préfet d’Argentan est invité à fournir aux troupes qui sont cantonnées dans la mairie d’Échauffour et des environs, de meilleure eau-de-vie que celle qu’on a envoyée hier et aujourd’hui aux troupes, qui a été mêlée avec de l’eau, et d’une si mauvaise qualité que les fourriers ne l’ont reçue. Si vous, Monsieur le sous-préfet, ne suivez pas ces ordres, on prendra contre vous des mesures qui ne vous plairont pas, c’est-à-dire on achètera l’eau-de-vie à vos dépens et on vous forcera, par votre préfet ou par des moyens militaires, à remplir mieux votre devoir. [...] et le maire d’Échauffour a reçu l’ordre de renvoyer le mauvais à votre disposition ».
Le pain et la viande vinrent aussi très vite à manquer et le sous-préfet signalait dès le 27 septembre, que les propriétaires aimaient mieux « dépeupler leurs herbages et envoyer leurs bestiaux dans des contrées lointaines » que de souscrire à leurs obligations. Il réclamait des instructions car ajoutait-il, ces réquisitions d’office « ôtent au gouvernement la confiance des cultivateurs » et les maires, lassés des récriminations de leurs administrés, lui présentaient en masse leurs démissions.