Marie Aline MARCENAT
ÉCHAUFFOUR, PAROISSE NORMANDE
Ses villageois et ses seigneur
Renée Pélagie de Sade (1741-1810)
L’aînée des enfants du président et de la présidente de Montreuil était Renée Pélagie, née à Paris le 3 décembre 1741. Elle épousa le 17 mai 1763 en l’église Saint-Roch de Paris, Donatien Alphonse François de Sade Mazan (1740-1814), le trop fameux marquis de ce nom.
Bien que de noblesse relativement récente, les Cordier de Montreuil avaient une large fortune dépassant de beaucoup celle des Sade qui à cette époque déjà, avait été largement écornée par le père du marquis. La richesse des Montreuil était aux yeux des Sade l’une des raisons de cette alliance peu glorieuse pour cette antique Maison, l’autre étant bien entendu que la réputation de Donatien était déjà si détestable que sa famille était trop heureuse de parvenir à le caser honorablement. D’ailleurs, ces alliances entre noblesse d’épée et noblesse de robe issue de la bourgeoisie n’étaient pas nouvelles : « Il faut bien fumer ses terres » disait déjà la marquise de Sévigné au siècle précédent.
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D’après les termes du contrat de mariage, les Montreuil s’étaient engagés à loger le jeune ménage pendant cinq ans, soit à Paris soit à Échauffour où ils faisaient de fréquents séjours. Nous apprenons ainsi par une lettre de la présidente datée de septembre 1763, que le marquis était au château depuis le début d’août et elle ajoutait :
« La tranquillité inévitable à la campagne fait beaucoup de bien à sa santé ; il engraisse point trop mal. Je ne sais si elle satisfait autant son esprit et ses goûts : ils sont vifs, il leur faut de l’aliment ».
Elle pensait bien car dès le 15 octobre suivant, Sade quittait la Normandie sous le prétexte d’aller faire sa cour à Fontainebleau où se trouvait le roi. En fait, il se rendit rue Mouffetard où dans la nuit du 19 au 20, il attira une jeune ouvrière : agression sexuelle, blasphèmes, outrages au crucifix. S’ensuivit la première arrestation de Sade : nous sommes en 1763 et le mariage ne datait que de cinq mois... Sade fut conduit à Vincennes sur une lettre de cachet demandée au roi par la présidente de Montreuil.
Le marquis de Sade écrivit au lieutenant de police Sartine pour le supplier de laisser ignorer à sa belle-famille le véritable objet de sa détention qui était en fait d’ordre religieux (blasphèmes et profanations). Renée Pélagie était enceinte et ne connut sans doute jamais les détails de cette affaire.
Le comte de Sade était accouru dès qu’il avait su l’arrestation de son fils et avait obtenu du roi sa libération, mais avec une assignation à résidence à Échauffour. La présidente espérait de son côté sauvegarder encore les apparences et invoqua partout l’état de sa fille pour expliquer leur séjour prolongé à la campagne pendant l’hiver. L’enfant vint au monde peu après mais ne vécut pas. Puis en avril 1764, M. de Saint-Florentin annonça que le roi permettait au marquis de revenir à Paris et en novembre suivant, qu’il levait officiellement l’assignation à résidence à Échauffour.
Mais en août 1765, alors qu’ils étaient tous en séjour au château, le marquis revint subitement dans la capitale. Débuta alors une ronde infernale qui allait durer vingt ans : les efforts inlassables d’une belle-mère pour empêcher ou tout au moins cacher les débordements d’un gendre en le mettant à l’écart. Elle commença par refuser de payer une nouvelle fois ses dettes s’il ne les rejoignait pas en Normandie, ce qu’il se résolut à faire contraint et forcé le 15 septembre, accompagné par l’inspecteur de police Marais. [...]
Sade resta à Échauffour jusqu’en novembre : il n’y mit plus jamais les pieds.